D’une main rageuse, au feutre souvent, d’autres fois à l’aide de collages, de mystérieux activistes inscrivent régulièrement quatre lettres sur les murs du centre historique d’Arles (Bouches-du-Rhône). Toujours les mêmes, « N », « A », « P », « O », pour former une seule et même appellation, déclinée au pluriel : « Les Napo ». Elle est systématiquement accompagnée de mots pas franchement bienveillants : « Les Napo, Arles vous déteste » ; « Les Napo, cassez-vous » ; « Napo, Mafia néolibérale ».
Place du Forum, ce centre névralgique de la ville avec sa statue de l’écrivain Frédéric Mistral, ses bars et ses discussions enflammées, les habitués croient avoir résolu l’énigme. Les Napo seraient soit un « rassemblement de francs-maçons », soit une secte. En tout cas, de drôles de types. Des « fadas ».
« Il faut les voir débarquer du TGV, ironise une figure arlésienne. Tous avec leurs chapeaux de paille, les dames en robes de lin de marque, les hommes en chemises blanches obligatoires parce que, bien sûr, en Provence, comme il fait chaud, c’est bien connu, tout le monde ne s’habille qu’en blanc. Oh, vous savez quoi ? On dirait Tintin au Congo ! »
Chaque été, le défilé est en effet cocasse. Peu importe qu’il faille tout au plus dix minutes à pied pour rejoindre le centre-ville depuis la gare, les Napo préfèrent souvent emprunter les vélos pousse-pousse mis à leur disposition, comme ceux que l’on voit en Asie. Sans compter qu’aucun Arlésien, même par 40 °C à l’ombre, n’osera jamais porter un canotier. Plutôt crever !
En réalité, cette organisation est basée à Paris, rue Vivienne, à deux pas de la place de la Bourse. Baptisée les Napoleons (sans accent), elle a été fondée en 2015 et dépend de la société Momentum, créée par Mondher Abdennadher, 59 ans, et Olivier Moulierac, 54 ans, deux enfants de la publicité triomphante des années 1980 et 1990, grandis sous la férule de leur ancien patron, Jacques Séguéla.
Mondher Abdennadher est né à Sfax, en Tunisie, dans une famille francophone et francophile. Son père était commerçant. Il suit des études au lycée Carnot de Tunis avant d’arriver à Paris et d’intégrer une école de commerce. Puis rejoint l’agence de publicité RSCG en 1985 avec comme objectif, notamment, d’ouvrir le réseau Moyen-Orient de l’agence.
Son acolyte, Olivier Moulierac, a grandi à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) dans « une famille de la petite bourgeoisie parisienne », dit-il. Son père dirige une petite entreprise spécialisée dans la publicité. Lui suit une scolarité « chaotique » avant de décrocher un stage chez RSCG et d’être embauché alors qu’il est au lycée. Il y restera quinze ans. « On a échangé avec Mondher, je lui ai dit que je voulais devenir entrepreneur et nous avons créé Momentum puis les Napoleons. »
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