Grippe aviaire, Sras, Covid-19… L’anthropologue Frédéric Keck, auteur de “Les Sentinelles des pandémies. Chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux aux frontières de la Chine”, ausculte la façon dont nos sociétés réagissent aux pandémies. Plutôt que de céder à la peur, il nous invite à repenser la mondialisation et notre rapport à la nature.
« Le caractère cyclique des pandémies […] a conduit les experts à penser qu’une nouvelle pandémie était imminente et qu’elle tuerait des millions de personnes. La question, selon les autorités globales, n’est pas de savoir quand et où la pandémie commencera, mais si nous sommes prêts à affronter ses conséquences catastrophiques. La pandémie bouleverse la vie sociale non seulement parce qu’elle tue des individus en série mais aussi parce que la contagion entraîne la panique et la méfiance. » Ainsi débute le nouveau livre de l’anthropologue Frédéric Keck, Les Sentinelles des pandémies. Chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux aux frontières de la Chine, un texte prémonitoire, écrit entre 2014 et 2016, qui paraîtra à la fin du confinement. Ce n’est finalement pas la grippe aviaire qui s’est présentée à nous, mais le coronavirus Covid-19, un pathogène de type Sras transmis par une chauve-souris.
Traversée des barrières entre espèces animales, traversée des frontières entre États, le virus ne connaît pas de limites, lui qui est passé, en quelques semaines seulement, de l’échelle microscopique à l’échelle planétaire. Au point de gripper les rouages de notre monde, d’abord secoué puis mis à l’arrêt, hébété, par cette crise globale et globalisée, sanitaire, économique, politique, humaine. Auteur du bien nommé Un monde grippé (2010), une enquête ethnographique sur la grippe aviaire menée entre 2007 et 2009 à Hongkong, Frédéric Keck, qui dirige le Laboratoire d’anthropologie sociale (fondé en 1960 par Claude Lévi-Strauss), nous dévoile les enjeux de cette récente pandémie, qui a pourtant déjà tout d’un fait social total. Si celle-ci était prévue, les États-Unis s’y préparant depuis la fin de la guerre froide, comme l’explique le chercheur, elle a eu sur nos vies et la marche de nos sociétés l’effet d’une extraordinaire déflagration et d’un saut brutal dans l’inconnu. Comme si nous étions face à un nouveau monde.
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