Vinted, Vestaire Collective La guerre acharnée des sites de revente

Vinted, Vestaire Collective La guerre acharnée des sites de revente

Pour Alice, jeune trentenaire parisienne, ce fut une agréable surprise. Fan de mode, elle voulait s’offrir un sac Antik Batik. «Il valait plus de 200 euros, c’était hors de mon budget», raconte-t-elle. Et puis, elle a découvert Vestiaire Collective. «J’ai trouvé le même d’occasion, en très bon état, pour 70 euros.» Rebelote quelques semaines plus tard, mais cette fois chez Vinted. «C’était la folie : il y avait des marques inabordables totalement bradées. J’ai opté pour des "talons" Michel Vivien à 100 euros, contre certainement 600 dans le commerce. Et aussi pour un gilet emblématique Agnès b. à 35 euros au lieu de 150 environ», s’enthousiasme-t-elle.

Avec les nouveaux sites de mode d’occasion sur Internet, on pourrait croire que les soldes durent toute l’année. Ces plateformes, version moderne de la friperie, mettent en relation les particuliers souhaitant alléger leur garde-robe et ceux voulant piocher dans celle des autres (ce sont d’ailleurs souvent les mêmes). A l’arrivée, une offre très abondante, des marques prestigieuses, Chanel, Vuitton, Hermès, etc., et des prix cassés pour des produits loin d’être en fin de vie. Certes, le marché de l’habillement d’occasion pèse encore peu.

L’Institut français de la mode (IFM) l’a estimé à 1 milliard d’euros en 2018 en France, ventes digitales et en boutique confondues. Mais il progresse très rapidement. Près d’un tiers des consommateurs ont acheté d’occasion cette année, contre seulement 15% en 2010. A l'inverse, le marché de la mode a perdu 15% de sa valeur entre 2007 et 2018, d’après la même source, fragilisant les champions de la fast fashion comme H&M, Kiabi et Zara. De quoi susciter l’appétit.

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Mais la bataille s’annonce rude. Car, pour l’heure, aucune plateforme n’a trouvé de modèle rentable. Première à se lancer, Vestiaire Collective a été créée en 2009 en France, un an après la crise financière. «On cherchait à être malin dans sa façon de consommer», se souvient Sophie Hersan, cofondatrice. Dix ans plus tard, elle revendique 9 millions d’inscrits dans une cinquantaine de pays, allant du continent européen à l’Australie en passant par l’Arabie saoudite.

Depuis sa création, «Vestiaire Co», comme elle se surnomme, a déjà levé 149 millions d’euros, dont 40 millions en juin dernier. Autre site français, Videdressing.com a aussi démarré en 2009 et affiche, lui, une audience de 1,5 million de personnes, avant tout basées en France ou dans les pays francophones limitrophes. Son rachat récent par Leboncoin pour un montant resté confidentiel devrait lui permettre de passer la vitesse supérieure.

Un troisième larron, enfin, s’est invité dans la danse, Vinted. Cette start-up créée en Lituanie en 2013 et qui a levé 120 millions d’euros a fait une percée fulgurante en France où elle compte 9 millions de membres, essentiellement via son application smartphone. Et ce n’est pas le seul acteur étranger intéressé par l'Hexagone. Le néerlandais United Wardrobe vient d’y débarquer. Les américains ThredUp ou The RealReal pourraient suivre avec de gros moyens financiers. «Les coûts marketing, de personnel et de livraison sont très élevés dans ce business, il faut atteindre une taille importante pour être rentable», souligne Antoine Jouteau, le directeur général du Boncoin.

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Côté clients, le pouvoir d’achat représente la première motivation. Les rabais proposés sont en effet souvent spectaculaires. La petite robe H&M s’offre à 10 euros sur Vinted. Le sac Chanel 2.55 se trouve à 2.300 euros sur Vestiaire Collective au lieu de 4.000 ou plus, et la paire de Balenciaga Triple S, le modèle de baskets qui fait fureur depuis quelques mois, à 400 euros au lieu de 700 sur Videdressing.com, etc. La préoccupation environnementale vient en second rang. Certes, le textile est une industrie extrêmement polluante, comme l’a montré l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) dans une étude de 2018. Mais ce motif écologique est à relativiser lorsqu’une fripe fait le tour du monde. Sur Vestiaire Collective, 80% des transactions sont transfrontalières.

La force de ces sites, comparée au dépôt-vente traditionnel, tient à l’abondance de l’offre, soit des milliers d’articles (145.000 transactions par mois sur Vestiaire Collective), renouvelés rapidement et parfois quasi neufs, comme au lendemain de Noël quand certains se débarrassent de cadeaux. Quand on ne trouve pas son bonheur, on peut en outre être alerté quand l'article convoité est enfin proposé.

Vinted, Vestaire Collective La guerre acharnée des sites de revente

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Reste la question cruciale de l’authentification des marques et de la qualité des produits. Chez Vestiaire Collective, ils transitent par la plateforme, à Paris ou à Tourcoing pour l’Europe. «Tout est littéralement vérifié à la loupe», nous explique Victoire Boyer Chammard, responsable de l’authentification, tandis qu’un de ses experts inspecte les coutures d’un Kelly Mini d’Hermès. Des agents chargés du contrôle qualité prennent le relais pour s’assurer que leur état est conforme à ce qui avait été promis sur l’annonce. Les colis seront expédiés dès le lendemain à leurs acquéreurs.

Les acteurs de l’occasion se défendent pourtant de faire de l’ombre aux marques. «Nous ne représentons pas une cannibalisation de leur activité, mais une vision complémentaire, insiste Laura Peccia-Galletto, codirectrice de Videdressing.com. Nous sommes plutôt une porte d’entrée vers leurs produits. Nos clients ne peuvent peut-être pas se payer un article neuf aujourd’hui, mais ils le pourront éventuellement dans quelques années.» Nathalie Rozborski, de l’agence de conseils NellyRodi, partage cet avis. «Il ne faut pas trop raisonner en termes de concurrence, mais plutôt se demander comment font les marques pour organiser leur propre second marché, analyse-t-elle.

Il y a deux stratégies : soit une alliance avec ces sites, soit l’internalisation.» Ainsi Vinted envisage d'ouvrir des corners chez un partenaire. De son côté, Cyrillus permet à ses clients de revendre leurs vêtements via son espace Secondehistoire.fr. Tout comme Sézane, qui a créé Demain. Cette année, cette marqueen vogue sur le Net a par ailleurs orchestré une opération spéciale avec Videdressing.com pour inciter ses clients à remettre en vente sur la plateforme les pièces qu’ils ne portent plus, en échange d’un bon d’achat.

Le secteur du luxe de son côté s’intéresse à cette tendance, d’autant que 60% des acheteurs du luxe se disent intéressés par la seconde main, selon une étude du cabinet BCG. «Elles se fient à l’appétit de nos clients dans leur choix de lancer des rééditions», observe Sophie Hersan, de Vestiaire Collective. Nathalie Rozborski complète : «C’est ce que l’on appelle de la "social intelligence".

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On se sert des réseaux sociaux pour faire parler la data et mieux cerner les comportements d’achat.» Le Saddle de Dior en est un bon exemple. Ce sac iconique des années 2000 est longtemps resté démodé, jusqu’à ce que son prix flambe à nouveau sur les sites de seconde main. A l’été 2018, la maison de couture l’a réédité. La boucle est bouclée.

Vestiaire Collective, l’adresse des griffes de luxe ou branchées

Notre avis : Des marques prestigieuses et des produits bien contrôlés : on y fait de très bonnes affaires malgré descommissions (variables en fonction du prix) élevées.

Vinted, une offre fourre-tout mais en quantité colossale

Notre avis : On y fait vraiment des affaires. Attention toutefois aux mauvaises surprises (contrefaçons). Le SAV est saturé mais la messagerie entre Vinties y supplée le plus souvent. Un article non conforme peut être retourné dans les 48 heures.

Videdressing, à la mode mais pas élitiste

Notre avis : Une offre plus grand public que celle de Vestiaire Collective. La messagerie permet d’obtenir des renseignements ou de demander une baisse de prix. L’acheteur a 48 heures pour renvoyer un produit et se faire rembourser.