Certains collectionnent les produits dérivés de Star Wars. D’autres s’adonnent à la photographie d’oiseaux. Michel Lapierre, lui, étoffe méticuleusement depuis 10 ans une base de données en y consignant le prix de tous les aliments qu’il achète chez Costco.
Publié le 7 nov. 2021« Je compare tout ça avec Metro, Walmart et IGA en rapportant les prix par 100 g ou par 100 ml. Le format n’importe donc pas », m’explique le résidant de Saint-Lazare, à l’ouest de Montréal. Il numérise aussi chacune de ses factures.
Vous l’aurez compris, Michel Lapierre est un amoureux des chiffres et des statistiques, mais aussi de technologies. Il allume les lumières de sa maison avec son téléphone. Un appareil sous son matelas lui transmet une série des données sur son sommeil. Les fonctions les plus méconnues de l’iPhone n’ont pas de secrets pour lui. Disons qu’à 76 ans, ce retraité au parcours atypique a tout pour faire tomber les a priori sur les aînés.
En 2011, c’est « juste par curiosité » qu’il se met à archiver le prix de son panier d’épicerie. Une décennie plus tard, c’est pour appuyer ses propos lorsqu’il est question du coût de l’alimentation, m’explique-t-il. Et, surtout, pour faire des choix éclairés en magasinant, puisqu’il a accès à ses données sur son téléphone.
En tout, son logiciel FileMaker Pro contient les prix de 5153 achats faits chez Costco, pour un total de 66 535,37 $. Cela représente environ 85 % de ses achats d’aliments en épicerie.
Grâce à son étonnante discipline, Michel Lapierre est donc bien placé pour témoigner de la fluctuation des prix. Bien sûr, la chaîne Costco n’est pas représentative du marché. Ne serait-ce qu’en raison de la carte de membre payante qui permet au géant américain de réduire sa marge de profit sur chaque article vendu. En outre, son éventail réduit de produits (4000) permet de limiter les coûts d’exploitation. Bref, les comparaisons avec d’autres détaillants sont toujours épineuses. Mais l’évolution des prix à l’intérieur du modèle Costco peut être révélatrice de tendances.
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J’avais le goût de jeter un œil sur les données de Michel Lapierre parce que ces derniers mois, le panier d’épicerie a souvent fait les manchettes. Selon Statistique Canada, le prix des aliments achetés en magasin a grimpé en septembre de 4,2 % par rapport au même mois en 2020. En août, la hausse avait été de 2,6 %.
Mais si je me fie aux tribunes téléphoniques à la radio et aux commentaires reçus dans ma boîte courriel, les Québécois trouvent que l’épicerie connaît une flambée bien plus importante. L’exactitude des données de Statistique Canada a aussi été remise en question par BetterCart Analytics, entreprise de Saskatoon qui suit quotidiennement le prix des aliments pour le compte de détaillants et de transformateurs.
Qu’observe Michel Lapierre en remplissant chaque semaine sa base de données ? « Pour moi, il n’y a vraiment pas d’augmentation significative », répond celui qui mange peu de viande, l’aliment le plus touché par l’inflation, faut-il préciser.
Il me donne quelques exemples en vrac. « Pendant 10 ans, le prix du pain Campagnolo n’a pas augmenté d’un sou. Mais la semaine dernière, il est passé de 4,99 $ à 5,49 $. » Ce produit, de la Boulangerie St-Méthode, est vendu en sacs de deux unités dont le poids n’a pas varié.
Et les œufs ? La boîte de 18 était vendue 3,69 $ en 2011. La barre des 4 $ a été franchie au cours de 2020 et le prix actuel est de 4,59 $. « C’est seulement 90 ¢ de plus en 10 ans », indique Michel Lapierre.
Quant au ketchup Heinz, il est passé, de 2011 à aujourd’hui, de 6,59 $ à 7,39 $ (pour 2500 ml). Il était un peu plus cher en 2018 et 2019 (8,99 $ et 8,49 $ respectivement) qu’aujourd’hui.
Le prix de la livre de beurre est fascinant à regarder. En 2012, Costco la vendait 3,79 $. Un recul a été observé en 2014 (2,95 $) avant qu’une lente remontée commence. En 2019, il fallait débourser 3,99 $, soit à peu près la même somme que sept ans plus tôt. Présentement, le prix affiché est de 4,49 $, une augmentation de 18 % en près d’une décennie.
« Le bacon, c’est probablement le produit qui fluctue le plus », constate Michel Lapierre. En 2015, il l’a parfois payé 10,99 $, parfois 13,99 $. En 2017, il lui est arrivé de payer à peine 12,99 $, mais jusqu’à 19,99 $, à certains moments. Encore cette année, le prix a souvent bougé. Au maximum, la facture a atteint 24,99 $ (toujours pour 2000 g).
Pour ce qui est des oignons doux Mayan, ils coûtaient 20 ¢ par 100 g à l’automne 2011. Depuis 2016 : 26 ¢.
Avec sa base de données, Michel Lapierre calcule par ailleurs que Costco est 15 % moins cher que Walmart, et jusqu’à 30 % moins cher qu’IGA et Metro (en se basant sur le prix par 100 g ou 100 ml des produits de mêmes marques).
Il sait aussi à quelle fréquence ses produits préférés tombent en solde, ce qui lui permet d’acheter exactement la bonne quantité pour en avoir suffisamment jusqu’à la prochaine baisse de prix. Lorsqu’il tombe sur d’excellentes aubaines, il met les aliments sous vide et les congèle au besoin.
« Ce n’est pas une obsession, mais j’ai commencé et je ne peux plus arrêter ! »
Il existe d’autres manières de contrôler son budget d’épicerie sans passer autant de temps derrière son ordinateur. En voici quelques-unes.
Lisez la chronique « Faire l’épicerie, ça s’apprend »Je vous rappelle que le mois de novembre est celui de la littératie financière. Pour l’occasion, l’Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (CPA) et l’Association des bibliothèques publiques du Québec (ABPQ) s’unissent pour offrir des ateliers éducatifs. Des CPA bénévoles en animeront une cinquantaine dans plusieurs régions de la province. Les thèmes touchent toutes les étapes de la vie : éducation financière des enfants, gestion des finances à la retraite, planification successorale, stratégies fiscales, prévention de la fraude chez les aînés et stratégies d’épargne, notamment. Les ateliers sont offerts sur place, en virtuel ou les deux.
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