Kidnappée à Nice en octobre 2016, la millionnaire Jacqueline Veyrac, alors âgée de 76 ans, avait été retrouvée saine et sauve, ligotée dans une camionnette. Du lundi 4 janvier au 29 janvier, les accusés devront répondre de leurs actes envers la propriétaire du restaurant gastronomique «La Réserve» et du «Grand Hôtel» à Cannes, qui, en 2013, avait déjà été victime d'une première tentative d'enlèvement.
Au total, quatorze personnes ont été renvoyées devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes pour avoir joué un rôle dans le rapt de la femme d'affaires, à divers degrés d'implication : le gang s'est organisé avec, d'un côté, les têtes pensantes, et de l'autre, les exécutants. Les principaux accusés encourent la réclusion criminelle à perpétuité, pour enlèvement et séquestration commis en bande organisée. Tour d'horizon des profils des ravisseurs.
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C'est le cerveau supposé de la bande. Lors du premier jour du procès, lundi 4 janvier, il s'est présenté comme «retraité», rapporte Nice-Matin : «Avant, j'étais restaurateur. Je suis de nationalité italienne, originaire de la province de Turin», a-t-il déclaré. Né à Salassa, un petit village au nord de Turin, il tente de percer dans la politique, projette de construire un casino, puis décide finalement de déménager à Nice, où il est installé depuis 30 ans.
Avec son compagnon, le chef finlandais Jouni Törmänen, il s'installe à «L'Atelier du goût», une adresse niçoise très fréquentée. Repéré par Jacqueline Veyrac, le couple accepte de prendre la relève de son restaurant «La Réserve» en 2007. Mais la collaboration tourne court : plongeant l'établissement dans une ruine abyssale, l'Italien est évincé du restaurant de Veyrac pour sa mauvaise gestion financière en 2009. À la recherche de nouveaux projets, il prévoit en 2016 de racheter le restaurant «Coco Beach», situé en face de «La Réserve», mais, manque de fonds, la vente était sur le point d'être annulée.
Depuis son incarcération, Serena a multiplié les demandes de mise en liberté, niant farouchement toute implication dans l'enlèvement de Jacqueline Veyrac. Pourtant, tous les autres accusés le pointent du doigt. Invoquant régulièrement sa santé fragile, il n'a pas manqué de le rappeler lors de son procès, rapporte France Inter : «J'ai le diabète, j'ai un poumon en moins [retiré des suites d'un cancer, NDLR], on m'a installé un défibrillateur. Mais malgré tout, je suis toujours en prison, depuis 4 ans !». En Italie, Serena serait déjà connu des autorités pour escroqueries. À l’issue du procès Veyrac, Guiseppe Serena encourt la perpétuité.
De nationalité britannique, le parcours de Philip Dutton est des plus rocambolesques. Ancien militaire des forces spéciales britanniques, il a voyagé aux quatre coins du monde et assure avoir combattu en Irak, en Afghanistan et en Bosnie. Pourtant, lors du premier jour du procès, il s'est présenté comme «ouvrier dans le bâtiment». Il s'est aussi désigné comme étant le «chef opérationnel» du projet d'enlèvement. Longtemps sans-abri à l'île de Jersey, lors des faits, il était veilleur de nuit sur une plage à Nice.
Philip Dutton a reconnu avoir appelé le fils de la victime avec le téléphone de sa mère pour réclamer une rançon. Il aurait également demandé 5 millions d'euros en envoyant un SMS, mais le message n'est jamais parti.
Cet ancien militaire est aussi poursuivi pour la tentative d'enlèvement de 2013 sur Jacqueline Veyrac. Comme Serana, Dutton risque la perpétuité. Contacté par Le Figaro, l'avocat de Giuseppe Serena Me Corentin Delobel affirme par ailleurs que Dutton aurait également déjà été condamné par la justice britannique à 8 ans de prison pour viol.
Piémontais sexagénaire et vieil ami «de 40 ans» de Serena, Enrico Fontanella fut longtemps majordome. C'est lui qui aurait présenté la plupart des accusés à Serena.
Giuseppe Serena espérait qu'Enrico Fontanella trouve à Jersey, où ce dernier habite, «une société d'investissement qui puisse être intéressée» par la reprise de l'hôtel-restaurant «Le Masque de fer», sur une île en face de Cannes, rapporte l'AFP. Sur l'île, Fontanella, gardien d'une chapelle, ne va rencontrer que Dutton : d'après Le Parisien , les deux compères se sont rencontrés à la Sanctuary House, un lieu d'hébergement pour les plus démunis.
Absent de son procès pour problèmes de santé, d'après son avocate, Enrico Fontanella serait actuellement en chaise roulante et devrait suivre, trois jours par semaine, une dialyse. Il doit également subir une opération chirurgicale mi-janvier. En raison de son état de santé, son cas a donc été disjoint.
D'après l'accusation, le trio Serena-Dutton-Fontanella aurait déjà tenté une première fois d'enlever Jacqueline Veyrac en 2013.
Surnommé «Tintin», Luc Goursolas a eu plusieurs casquettes. Initialement photographe de faits divers pour Nice-Matin d'après Le Parisien , il a aussi travaillé pour les pompiers avant de devenir paparazzi à Nice puis détective privé. Faisant face à des difficultés financières, contacté par Philip Dutton, il aurait accepté de poser sous la voiture personnelle de Jacqueline Veyrac des balises GPS reliées à son téléphone.
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Il fait partie des quatre Tunisiens recrutés au quartier populaire des Moulins. Sans profession et surnommé par les autres membres du gang «Ali les yeux bleus», ce dernier a admis qu'il était venu vérifier pour un tiers si le véhicule était toujours sur place.
Jeune italien engagé pour élargir les rangs de l'équipe de choc, Amedeo Urso suit les traces de son mentor Enrico Fontanella. Mais il est rapidement écarté des postes clefs. «Urso reste un mystère pour l'instant, son rôle dans cette affaire est très floue, il est très évasif, mais il semblerait qu'il soit très lié à Fontanella et Dutton, il fait clairement partie de ce trio qui a tout intérêt à présenter Serena comme le principal coupable», commente auprès du Figaro Me Corentin Delobel.
Il fait partie de la bande du quartier des Moulins et, depuis un accident de voiture, il est cloué à un fauteuil roulant. Se disant électricien, il serait surnommé «l'Hindou», «du fait de la couleur de sa peau», explique au Figaro Me Delobel. Il aurait servi d'intermédiaire en présentant le chef de la bande, Ali Gueffaz, à Serena. Il aurait été approché, d'après Le Parisien , par Fontanella alors que ce dernier se trouvait au centre héliomarin de Vallauris après s'être fait amputer la jambe gauche. Il nie toute implication. Serena, de son côté, assure avoir pris contact avec Bousbia pour lui proposer de racheter ses parts du bar-café niçois le «Per lei», affirme son avocat auprès du Figaro.
Peintre en bâtiment, il est accusé, comme ses trois autres confrères du quartier des Moulins, d'avoir commis l'enlèvement. Ayant perdu ses deux dents de devant, il est surnommé «Sans dent» par ses deux autres acolytes.
Quatrième membre du gang du quartier des Moulins, comme les autres exécutants, qui le surnomme «Longo», il comparait devant la justice pour «arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage pour obtenir l'exécution d'un ordre ou d'une condition, commis en bande organisée».
Sur les quatorze personnes jugées pour l'enlèvement de Jacqueline Veyrac, cinq jeunes tchétchènes, âgés de 21 à 23 ans, ont également été renvoyés aux assises : initialement recrutés pour commettre l'enlèvement et assurer la séquestration, ils n'ont finalement pas commis le rapt, mais leurs empreintes ADN sont restées sur la camionnette. Achraf M'Hamdi, Kabil Raouafi, Turpal Aidamirov, Ilias Khamzatovitch Gazgueriev et Khalid Rechedov comparaîtront donc libres devant le juge pour non-dénonciation de crime.
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