Gianni, concierge depuis 1979. PHOTO THOMAS CHÉNÉ.
Gianni ne rivalise pas avec Roberto pour la quantité de photos glamour stockées sur son téléphone mais, en trente-quatre années au Cipriani, il a emmagasiné des dizaines d’histoires de têtes couronnées, de paparazzi rôdant sur la lagune et d’écrivains agitant le shaker derrière le bar. Au chapitre des chefs d’Etat, il se souvient de Jimmy Carter faisant son jogging quotidien sans garde du corps sur le quai des Zitelle et de Mikhaïl Gorbatchev lançant avec humour dans le lobby : « Il reste une chambre pour moi ? », alors que son arrivée avait été précédée d’une inspection minutieuse par les services secrets. Il raconte encore que François Mitterrand était un inconditionnel de la suite Guinness, que Jacques Chirac « est arrivé habillé comme un prince, a salué chaleureusement le personnel et se souvenait des prénoms de chacun », contrairement à Valéry Giscard d’Estaing jugé « arrogant ».
Jacques Chirac sortant de l'hôtel pour se rendre au Palazzo Grassi assister aux noces de François-Henri Pinault et de l'actrice mexicaine Salma Hayek, le 24 avril 2009. PHOTO Daniele Venturelli/WireImage.
Les trois sœurs
Inauguré en 1958, le Cipriani est le resort glamour à l’anglo-saxonne qui manquait à la cité des Doges. Son décor à la fois hollywoodien et décontracté attire sur le champ une clientèle internationale savamment dosée : riches Américains cultivés, noblesse française, aristocratie anglaise, rois, princesses et artistes de tous continents. Son style architectural, un bâtiment moderne et bas de plafond, ne dit rien de la flamboyance baroque ou de la grandeur néoclassique de la Sérénissime, à l’inverse des palaces déjà en place, tous d’anciennes propriétés de famille de doges : le Danieli, un palais du XVe siècle, a appartenu aux Dandolo, le Gritti au doge Andrea Gritti… Même le Bauer, pourtant considéré comme « moderne », représente un concentré de savoir-faire et de traditions avec ses marqueteries, ses soieries et ses verreries Murano.