Longtemps annoncé, souvent repoussé, on connaît enfin la date de sortie du nouvel album de Lana Del Rey. Ce sera le 5 septembre, d’après une note postée sur son compte Instagram. Mais l’info a été éclipsée par le reste du texte publié par la musicienne, où elle se défend de «glamouriser les relations abusives». Et évoque, en contre-exemples, les musiciennes qui sont actuellement en tête des charts : «Maintenant que Doja Cat, Ariana (Grande, NDLR), Camila (Cabello, NDLR), Cardi B, Kehlani, Nicki Minaj et Beyoncé ont toutes été numéro un avec des chansons qui parlaient d’être sexy, de ne pas porter de vêtements, de baiser, de tromper etc. - puis-je s’il vous plaît continuer à chanter sur le fait d’être incarnée, de se sentir belle en étant amoureuse même si la relation n’est pas parfaite, de danser pour de l’argent - ou de ce que je veux - sans être crucifiée ?» La polémique prend une telle ampleur que Lana Del Rey doit réagir dans une vidéo publiée sur son compte Instagram, le lundi 25 mai.
Il est fréquemment arrivé que les textes de Lana del Rey soient qualifiés de passéistes, peu en phase avec le renouveau actuel du féminisme. En 2013, dans une interview au site The Fader, la chanteuse néo-zélandaise Lorde déclarait, dans une interview, qu’elle la trouvait «géniale», mais estimait qu’il était «vraiment malsain pour de jeunes filles d’écouter des chansons qui disent “Je ne suis rien sans toi”».
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Deux ans plus tard, des épreuves de Girl in the Band, l’autobiographie de Kim Gordon, du groupe Sonic Youth, fuitaient sur le Web. Cette dernière écrivait que Lana Del Rey «ne savait même pas ce qu’était le féminisme» : «Elle croit que les femmes peuvent faire ce qu’elles veulent ce qui, dans son monde, revient à s’autodétruire, que ce soit en couchant avec de sales vieux types ou en se faisant violer par un gang de bikers.» Le passage avait été retiré de la version définitive du livre. Mais avait dû rester en travers de la gorge de l’auteure de Blue Jeans.
Dans son post Instagram, Lana Del Rey le dit de manière limpide : «Que ce soit clair, je ne suis pas antiféministe. Mais il doit y avoir une place, dans le féminisme, pour les femmes qui me ressemblent et se comportent comme moi - le genre de femmes qui disent non quand les hommes entendent oui - le genre de femmes qui sont massacrées sans pitié parce qu'elles sont elles-mêmes de la manière la plus authentique, délicate, le genre de femmes qui ont leurs propres histoires et leurs propres voix.»
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La musicienne, qui a récemment rompu avec son dernier petit ami, le policier Sean Larkin, revient enfin sur la façon dont s’est inspirée de ses histoires d’amour pour ses chansons : «J’ai toujours abordé mes relations compliquées de manière honnête et optimiste. Scoop : c’est comme ça que cela se passe pour de nombreuses femmes.» Selon elle, son approche «a vraiment ouvert la voie à d’autres femmes, cela leur a permis de ne plus "faire bonne figure" et de dire absolument tout ce qu’elle voulaient dans leur musique».
Des déclarations qui font polémique. Sur Instagram, un commentaire la taxe de quadragénaire jalouse : «Billie Eilish a pris ta place». D’autres s’interrogent sur cette fameuse «voie» qu’elle aurait ouverte : «Personne n’a fait de chansons tristes avant toi ?? Lol c’est la plus lamentable et narcissiste des déclarations de tous les temps ! (…) Ne jette pas les autres artistes sous un bus parce que tu n’as pas eu l’attention que tu voulais.» Ou encore : «Tu aurais pu expliquer ta musique au lieu de t’en prendre à d’autres femmes.»
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En mentionnant Doja Cat, Beyoncé ou Nicki Minaj, Lana Del Rey a été également taxée de racisme. Dans un article publié sur les site du quotidien britannique The Guardian, le 21 mai, la journaliste Laura Snapes pointe combien «le tacle de Lana Del Rey à ses paires de couleur dessert son argumentation féministe» : envisager les femmes noires comme «hypersexualisées est un réflexe historiquement raciste - un geste persistant, qui a fait de ses artistes des objets de dérision médiatique bien plus largement que Lana Del Rey n'en fera jamais l'expérience».
Là encore, cette dernière s'est défendue dans les commentaires de son post : «C'est triste de faire de ce sujet une problématique sur les femmes de couleur, alors qu'il s'agit de mes artistes préférées (...). C'est exactement le but de mon post - il y a certaines femmes auxquelles la culture ne permet pas d'avoir une voix, ça n'a peut-être rien à voir avec la race, je ne sais pas ce à quoi cela tient. Je m'en fiche, maintenant, mais ne me traitez jamais jamais jamais jamais plus de raciste, parce que c'est de la merde.» L'artiste a fini par publier une nouvelle vidéo le 22 mai, extraite d'un de ses clips, avec pour seule légende un laconique «#fuckoff».
Depuis, elle s'est fendue d'un nouveau post Instagram, le lundi 25 mai, pour tenter de faire la lumière sur ses propos. «Personne n'a le droit de raconter votre histoire», peut-on lire en légende de la publication. «Je voulais juste vous rappeler que ce post, la seule et unique déclaration personnelle que j'ai jamais faite, était centré sur le besoin de fragilité au sein du mouvement féministe», a-t-elle expliqué dans cette séquence de six minutes. La chanteuse a poursuivi, à l'adresse de ceux qui la taxent de racisme : «Et lorsque j'évoque les femmes qui me ressemblent, je ne voulais pas dire les femmes blanches comme moi, je voulais dire le genre de femmes que les gens ne croient pas, parce qu'ils se disent : "Oh, eh bien, regardez-la, elle le mérite pu***", etc.»
Elle a également déploré que ses «amies, paires et contemporaines» - les chanteuses mentionnées dans son premier post, notamment - évoquent les mêmes sujets que ceux sur lesquels elle chante «depuis treize ans» sans, selon elle, subir les mêmes attaques. «La différence est que, si je fais du pole dance, les gens me traitent de p***, mais quand FKA Twigs le fait, c'est de l'art», a-t-elle lancé.
Revenant sur les accusations de racisme dont elle a fait l'objet, l'interprète de Born To Die s'insurge : «Vous pouvez me qualifier de ce que vous voulez, je suis désolée de ne pas avoir ajouté une personne caucasienne (...) à la liste des femmes que j'admire», a-t-elle ajouté. Avant de conclure : «Je ne suis pas l'ennemie, et je ne suis définitivement pas raciste, alors ne vous méprenez pas. (...) Dieu vous bénisse et, oui, dégagez si vous n'aimez pas le post.»Lana Del Rey, qui a annulé pour raisons de santé la tournée européenne qui devait l’emmener à Paris le 7 juin au festival We Love Green, avorté lui-même du fait de la crise sanitaire, avait évoqué dans son premier post ses projets. Elle promettait de «revenir en détails sur certains de ses sentiments» dans deux livres de poésie à venir, dont les bénéfices iront à des associations soutenant la cause des Amérindiens. Et dans son prochain album, attendu désormais plus que jamais.
*Cet article initialement publié le 22 mai 2020 a fait l'objet d'une mise à jour.